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Le voyageur

Il y était une fois, un roi et une reine qui vivaient dans un château.
Ils avaient aussi deux enfants, deux filles d'une rare beauté, deux
vraies princesses.

Bien qu'elles avaient plus de deux ans de différence d'âge, tout le
monde pensait qu'elles étaient des jumelles, elles se ressemblaient
tellement.

Mais le temps passait, et la plus âgée quittait le château, pour aller à
la rencontre du monde. Mais la plus jeune, elle restait toujours à la
maison ; du monde elle ne voulait rien savoir.

Un jour, arrivait au château un prince. La beauté de la jeune princesse
l'enchantait, au point qu'il perdait son coeur sur-le-champ. Mais,
puisqu'on ne peut vivre sans un coeur, il adoptait le coeur de la
princesse au lieu du sien, et dès lors, il l'appelait "mon-petit-coeur".

Puis, le prince lui disait : "Viens avec moi, allons ensemble à la
rencontre du monde". Mais la princesse lui répondait seulement : "Je ne
peux pas. Qui alors prendrait soin de papa et maman ?". C'était tout ce
qu'elle disait. Elle ne lui disait même pas qu'elle venait de retrouver
son coeur à lui, et qu'elle l'avait caché au plus profond d'elle, où
elle le portait dès lors, pour toujours.

Mais le prince aimait bien le monde. Il voyageait beaucoup et loin, et
la princesse restait chez ses parents. Le prince pensait en lui-même :
La princesse est encore si jeune, et elle sera bien protégée chez ses
parents. De temps en temps, le prince revenait pour voir comment elle
grandissait, il lui racontait ses voyages, et lui demandait si
maintenant elle serait prête à venir avec lui. Mais la princesse disait
toujours : "Non", puis elle restait si silencieuse qu'on pourrait croire
qu'elle était muette.

Une fois encore, le prince venait voir d'après son petit-coeur, mais il
ne le retrouvait pas. Le vieux roi entretemps, était mort, et la reine
était seule. Mais à la place de la princesse, le prince trouvait une
vilaine sorcière qui criait : "Aucun mortel n'entrera ici, et toi encore
moins !". Le prince répondait calmement : "Mais je ne fais que chercher
ma princesse." Alors la sorcière : "Ici, point de princesse, Il n'y en a
jamais eu, ce n'est que toi qui l'imagines. Et maintenant ouste, vas-y
chercher ta princesse ailleurs !".

Et la reine y assistait, muette, et ne faisait que regarder tristement
devant elle.

A partir de ce jour, le prince errait dans le monde, à la recherche de
sa princesse. Avant, les voyages lui faisaient plaisir, et il avait
toujours été content de lui raconter ses voyages, quand elle ne disait
rien, se blottissant contre lui et l'écoutant les yeux fermés.

Maintenant, il n'aimait plus voyager, car il n'y avait plus personne à
qui il pouvait raconter ses voyages. Il ne faisait plus que chercher,
chercher... De temps en temps, une femme lui donnait un peu d'amour en
croisant son chemin, et il pensait alors : "Voici enfin ma princesse" -
mais aucune n'était réellement sa princesse, et toujours, il lui fallait
se détourner de déception, et continuer à chercher.

Ainsi passaient des années, et le prince ne cessait de chercher, mille
et mille jours, et mille et mille nuits...

Mais un soir le prince, aussi épuisé était-il de sa vaine recherche, il
n'arrivait pas à dormir.

Soudainement, il entendait une voix... quelqu'un l'appelait, tout
doucement : "m'entends-tu ? m'entends-tu ? Je suis ton coeur..."

Puis il ouvrait les yeux. Mais étaient-ce vraiment ses yeux, ou
étaient-ce les yeux de son coeur ? Peu importe, puisqu'il voyait son
coeur l'appeler : "A l'aide ! Aides-moi ! je suis ici... caché au plus
profond..."

Et il voyait un énorme monstre qui se jetait sur sa princesse... mais le
monstre avait un visage ! C'était le visage déformé du vieux roi ! Et
maintenant il voyait comment le monstre transformait sa princesse
bien-aimée en une vilaine sorcière...

Alors, le prince, encore une fois, entame un voyage. Rien ne le tient
plus. Il enfile ses bottes-de-sept-lieues et court, aussi vite que le
portent ses pieds, vers le château de sa princesse.
Il frappe à la porte, puis dit à la sorcière : "Ici, point de sorcière.
il n'y en a jamais eu, et c'est toi qui vas déguerpir. Et maintenant
ouste, et laisse-moi en paix avec ma princesse !"

Et petit-coeur sourit au prince : "Oh, suis-je contente de te revoir !
C'était bien long cette fois, ton voyage... racontes-moi donc..."

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dernière mise à jour le 3 juillet 02