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photo : agnès b. |
Vers des États du Devenir
En mars 1995, le Laboratoire d'études pratiques sur le changement, le journal Les périphériques vous parlent, et Génération Chaos ont pris l'initiative de proposer la convocation d'États du Devenir qui pourraient se réunir à partir de la réalisation d'actes du devenir.
Ce projet réunit d'ores et déjà plus d'une soixantaine d'associations, syndicats, groupes et communautés diverses auxquelles s'ajoutent un grand nombre d'individus de milieux très différents.
Suite aux événements du CIP, le journal Les périphériques vous parlent avait présenté lors d'un numéro spécial un projet intitulé Objectif Jeunesse dans lequel la jeunesse y était perçue non plus « de nature » - soit la tranche d'âge s'inscrivant entre l'adolescence et l'âge d'homme (les 17/30 ans en gros) - mais comme un projet global « de culture » qui concerne toutes les femmes et les hommes quel que soit leur âge. Ainsi « de culture » la jeunesse est ce que chacun a devant lui, soit son devenir.
Les nombreux débats autour d'Objectif Jeunesse et les suggestions qui nous ont été faites ont mis en évidence a nécessité de proposer de nouvelles pistes pour faire mouvement, d'autant plus que les doctrines néo- ou ultra-libérale tendaient de plus en plus à s'imposer d'évidence « de nature » comme la seule solution possible à la crise. On légitimait, par là même, l'apparition d'une under-class (sous-classe) dans l'ensemble des pays industrialisés avancés, l'under-class rassemblant, sous le seuil de pauvreté, dans un même espace de vie, les Banlieues et les Bronx des grandes cités, les précarisés, exclus, émargés, chômeurs, tous ceux qui désormais n'ont d'autre avenir que l'impitoyable recherche au jour le jour de sous-emplois sans lendemain ou d'emplois serviles créés pour maintenir l'illusion d'un plein emploi qu'il s'agirait de restaurer.
Une interrogation s'est très vite présentée à nous : quel est notre « devenir », désormais ?, mais plus encore que voulons-nous devenir ? Chacun sent bien qu'il n'a plus guère d'avenir dans un monde dont l'économie de plus en plus « globalisée » n'a d'autre alternative que de vouer les uns et les autres à une compétitivité sans merci, guerre économique qui rejette des pans entiers de la population du globe dans une sous-vie, de fait, programmée, guerre économique qui finira par faire de l'ensemble des êtres humains des perdants, des perdants de leur propre vie, des « sans-avenir », faute d'avoir su se donner un devenir.
C'est pour sortir de cette situation que le numéro 3 des Périphériques consacré aux États du Devenir propose la création d'actes du devenir. C'est le souvenir des « cahiers de doléances » qui ont précédé les États Généraux de 1789 qui a inspiré les actes du devenir. Nous les avions intitulés d'abord des « cahiers du devenir », mais à la suite de nombreuses discussions, échanges d'idées et débats nous avons préféré adopter le terme acte à celui de cahier simplement parce que le sens du mot acte pouvait impliquer différents médias en dehors de l'écrit, soit : les expressions graphiques, la photo, l'audio, la vidéo, les hypermédias, la théâtralité que nous pratiquons, etc.
Nous pouvons, maintenant, nous arrêter un instant sur les États Généraux de 1789 : leur convocation en 1788 donnant lieu à la rédaction de « Cahiers de Doléances », ces derniers vont non seulement révéler les aspirations des trois ordres de la société d'alors, mais surtout ils vont mettre en lumière une série de nouvelles contradictions, de nouveaux clivages jusque là peu perceptibles. La prise de conscience par l'ensemble des citoyens de ces contradictions va se révéler être un facteur décisif de la révolution de 1789. Toute proportion gardée, et sachant bien que l'Histoire ne se répète pas, la longue crise que nous traversons peut rappeler la situation pré-révolutionnaire de la décennie 1780, dans la mesure où les contradictions, les questions, les perspectives nouvelles se trouvent bloquées dans des cadres politiques et socio-culturels plus du tout en phase avec les réalités actuelles. Les contradictions n'arrivant pas à s'exprimer clairement, la perception de l'avenir s'en trouve complètement obscurcie. En tout cas, c'est dans ce sens que nous pensons que l'élaboration d'actes du devenir peut apporter de la manière la plus démocratique qui soit les éléments, les moyens pour réunir sous une forme à déterminer par l'ensemble des contributions, des États du Devenir.
À la suite de la parution de ce projet dans Les périphériques vous parlent, plusieurs rencontres se sont tenues, prenant la forme d'assemblées générales spontanées qui ont vu la participation de nombreuses personnes. Un certain nombre de questions ont émergé. À titre d'information, nous en releverons quelques unes. Nous espérons qu'elles pourront orienter quelque peu le lecteur sur nos intentions.
Comment non seulement garantir, mais surtout développer la libre expression des individus - seule manière pour chacun d'être un citoyen - dans le cadre du travail, du social, du culturel ?
Sans doute, nous faudrait-il évoquer encore beaucoup d'autres questions que les États du Devenir suscitent à chaque rencontre, à chaque débat. Bornons-nous, présentement, à renvoyer au n° 4 du journal Les périphériques vous parlent. On pourra y relever qu'à travers la diversité des problématiques abordées - qu'elles concernent l'économie, le travail, l'Université, l'urbanisme, la santé mentale, la philosophie, la théâtralité, le politique - des démarches se déploient, s'efforçant chacune à leur manière de penser le devenir en connexion avec la complexité du monde actuel, monde dans lequel des femmes, des hommes essaient encore de mettre en jeu des savoir et des pratiques différents.
Nous releverons, d'autre part, que les événements de novembre/décembre 1995 nous semblent apporter de belles perspectives à tous ceux qui se sont engagés à résister aux prétentions de l'ultra-libéralisme s'affirmant de plus en plus comme le seul sens possible du développement humain.
Pour combattre un système économique qui enrichit seulement ceux qui sont déjà riches et appauvrit tous les autres, il s'agit peut-être d'apprendre à voir, à agir et penser autrement. En tout état de fait, les solutions c'est à nous de les chercher et de les réaliser.
(Propos recueillis par Christopher Yggdre à partir des différentes productions écrites concernant les États du Devenir.)
Les signataires de l'appel des États du Devenir
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Les périphériques vous parlent, dernière mise à jour le 5 octobre 03 par TMTM
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