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(COMMUNIQUÉ reçu le 2 decembre de la part de Michel DEZA)
Appel à la journée d'action du 3 décembre 1998
Il s'agit d'une manifestation importante. Elle est destinée à exprimer un rejet des projets de réforme proposés par l'actuel ministre de tutelle, l'un des rares ministres de gauche à avoir reçu publiquement l'encouragement de l'hebdomadaire Minute (à la une de son numéro du 21 octobre sur le mouvement lycéen). Rejet plus que justifié, car la voie de la privatisation de l'ensemble Éducation Nationale - Université - Recherche amorcée par ces réformes peut, vu l'importance des enjeux économiques et l'actuelle fragilité de l'économie française, faire craindre la pire des braderies (voir, par exemple, le livre de J. MONTALDO Main basse sur l'or de la France, Albin Michel 1998).
Cependant, il est également admis qu'une critique du fonctionnement des actuelles institutions scientifiques est nécessaire. En témoignent notamment :
Les années 80, que le Procureur de Montgolfier avait appelées en audience publique « années de fric et de toc », ont été marquées par une évolution affairiste de la société qui ne pouvait pas ne pas imprégner les institutions scientifiques. Au cours des deux dernières décennies, on a vu s'y développer une vraie caste de « directeurs » « coordonnateurs », « administrateurs », « gestionnaires », « meneurs d'hommes »... prenant indûment le dessus, à partir d'activités jadis jugées subalternes, sur les activités vraiement créatrices et sur les vrais créateurs des idées, projets et résultats scientifiques.
Cette constellation de « gestionnaires à vie » forme un groupe fermé où l'on passe d'une fonction à une autre au sein des appareils des institutions scientifiques (présidences, directions, comités, administrations...) et dont les membres peuvent même cumuler des fonctions. L'expression « nomenklatura » me semble bien convenir à un tel milieu, car il s'agit d'un cercle dont les membres échappent à toute évaluation réelle de leur activité et qui ne sont plus jugés d'après leur travail de recherche.
Par exemple, à la note de l'Intersyndicale du Laboratoire de Physique Corpusculaire du Collège de France du 14 novembre 1998 faisant remarquer que le Professeur-Directeur du laboratoire « échappe à l'évaluation scientifique que connaissent tous les chercheurs du CNRS », le Professeur-Directeur a répondu (lettre adressée par ce dernier, le 18 novembre 1998, à Messieurs le Directeur de l'IN2P3 et l'Administrateur du Collège de France) :
« Le Directeur d'un laboratoire est évalué de facto par l'évaluation de son laboratoire... »
Autrement dit, le directeur d'un laboratoire n'aurait aucune obligation de production scientifique personnelle et pourrait légitimement se considérer détenteur des résultats obtenus par les chercheurs de son unité !
Dans cette simple phrase, remarquable de sincérité, se trouve condensée l'expression de tous les dysfonctionnements qui accablent la recherche scientifique française et obèrent ses performances.
De même, sans vouloir le moins du monde mettre en cause la personnalité nommée, on peut se demander si la reconduction, pour un troisième mandat consécutif de trois ans, de l'actuel Président du CNRS (Conseil des Ministres du 18 novembre) constitue la meilleure réponse à la période de décadence qu'ont connu les établissements scientifiques français au cours de la dernière décennie, et si l'arrivée de nouveaux dirigeants n'était exigée par la transparence et la nécessité évidente d'un changement de style de travail.
Dans cette logique de renforcement du pouvoir et d'asservissement du travail intellectuel, la précarité des personnels devient une arme politique : c'est pourquoi le chercheur-fonctionnaire gêne par son indépendance et, comme le souligne très justement le SNTRS-CGT, on voit l'emploi précaire se développer à grande allure dans la recherche scientifique.
Un constat s'impose : les déclarations initiales de l'actuelle equipe ministérielle contre la bureaucratie et en faveur de l'indépendance des chercheurs sont restées lettre morte : c'est tout le contraire que proposent les actuels projets de loi et de décrets. Si, en septembre 1997 dans Ciel et Espace, l'actuel Ministre avait dénoncé l'emprise indue du Secrétariat Général du CNRS sur des décisions appartenant aux scientifiques, dans deux courriers adressés le 17 septembre dernier à deux parlementaires, le même Ministre me reproche d'avoir discuté de ma situation avec le Directeur Général du CNRS (une scientifique) à la place du Secrétaire Général. Contrairement à ce que peuvent laisser supposer certaines campagnes, les problèmes de la recherche scientifique française ne datent pas de 1993 ou 1995, ni ne sont liés à la nomination de l'actuel Ministre. Mais il est tout aussi vrai qu'en fin de compte, ce dernier n'a opèré aucune rupture avec l'évolution en cours depuis deux décennies. Sa politique, terre à terre, s'inscrit dans la même logique et en aggrave les conséquences et implications. Ni sur le plan de la débureaucratisation de la gestion, ni sur celui de la transparence, aucune amélioration n'est perceptible : seule la logique de précarisation « progresse ».
Ce décalage, permanent et croissant, entre propagande et réalité dans le monde scientifique oblige à UN ÉTAT DES LIEUX RIGOUREUX PRÉALABLE À TOUT DÉBAT.
À ce jour, les éléments d'information complets et objectifs font gravement défaut : de nombreux dossiers restent cachés (rapports restés confidentiels, enquêtes restées inachevées à cause des intérêts impliqués... et combien, exactement, de précaires travaillent actuellement dans la recherche scientifique ?). C'est pourquoi il me semble que la première mesure, pour sortir de l'impasse actuelle, doit être la mise en place immédiate d'une COMMISSION D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE SUR LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE.
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Les périphériques vous parlent, dernière mise à jour le 21 avril 03 par TMTM